Partager la publication "La place de l’Humain dans le coaching : la vulnérabilité"
Étrange comme sujet pour commencer l’aventure de la place de l’Humain dans le coaching ! Et pourtant, le rapport que nous pouvons entretenir avec notre propre vulnérabilité est déterminant dans la façon dont nous accompagnons nos clients.
Les zones d’ombre, les fantômes du placard, les dragons indomptables, les fissures liées à notre histoire de vie méritent toute notre attention. Les reconnaître, éventuellement les comprendre, les accepter puis les apprivoiser revient à terme à adopter une posture la plus ajustée possible pour la relation de coaching… et pas que.
Et si finalement de notre vulnérabilité naissait notre compétence ?
Voici donc le commencement du voyage au cœur de l’Humain dans le coaching.
Si je me réfère à l’origine latine du mot vulnérabilité, il s’agit de « ce qui peut être blessé ». Intéressant comme traduction…
En me plaçant dans le contexte du coaching, la question qui me vient est : qui ou quoi peut être blessé ? Le client ? Le coach ? La relation ?
J’aurais envie de dire, les trois mon capitaine.
La vulnérabilité du client tout d’abord
Par définition en faisant appel à un coach, le client se reconnaît vulnérable, il accepte de se montrer à nu. En effet, il n’est pas aussi évident que ça de se livrer à un tiers qu’il ne connaît pas et que nous ne connaissons pas beaucoup plus. Les réflexes archaïques hérités de nos ancêtres vêtus de peaux de mammouths se manifestent encore aujourd’hui. Il est difficile de faire confiance « à priori » à un inconnu. D’autant plus si cet inconnu est là pour, précisément, porter son regard (certes bienveillant, mais là… quand même) sur la vulnérabilité du client. Ainsi, l’une des premières préoccupations du coach est de créer un climat propice à rassurer le client. Par son ouverture, son empathie, sa congruence de coach, son alignement entre les trois composantes de la structure de l’expérience subjective humaine (états internes, processus cognitifs et comportements externes) il contribue à satisfaire le besoin de sécurité du client.
Mais le rassurer sur quoi allez-vous me demander ?
- Sur ce qu’ils vont partager
- Sur ce qui va être vécu
- Sur ce qui va être échangé
- Sur comment le processus va se dérouler
- Sur le cadre de fonctionnement
- Sur la place des émotions
- etc.
Bref, sur tout ce qui a un lien de près ou de loin avec la relation de coaching et qui préviendra « à minima » les risques pour le client d’être blessé, au sens figuré du terme, dans son accompagnement.
La vulnérabilité du coach ensuite
Comme l’indique le titre général de cette aventure, le coach est aussi et avant tout un humain. Et en tant qu’humain, il est vulnérable et peut donc aussi être blessé. Comme je le disais en introduction, les blessures du coach prennent de multiples formes. Celle que j’affectionne particulièrement est celle des dragons.
Ces dragons indomptables au premier abord sont nés, pour la plupart, lorsque le coach était encore un petit garçon ou une petite fille. Ils ont grandi avec lui ou elle et se sont renforcés à chaque événement douloureux, émotionnellement difficile et où certains besoins fondamentaux n’ont pas été satisfaits. Peu à peu s’est instaurée une sorte de hiérarchie naturelle dans la meute des dragons. Certains sont devenus des dominants, féroces et en même temps vicieux. Tapis dans l’ombre, ils sont à l’affût du moindre appât qui les fera surgir de leur tanière et perturber l’alignement et la posture de son propriétaire. D’autres, plus dociles, sont souvent endormis. Pour autant, un dragon reste un dragon. Il suffit qu’un élément spécifique vienne le tirer un peu violemment de son sommeil pour qu’il soit de mauvais poil. Et un dragon de mauvais poil, c’est jamais très bon pour la santé; ça risque de sentir le cramé 🙂
Le coach qui n’a de cesse que d’enfouir ses « DARK zones», ses défauts, ou pire, ne les accepte pas, les renie dans un déni absolu , s’éloigne de son chemin, de sa mission.
Ainsi, le long travail du coach sur lui-même pour reconnaître ses dragons, les dompter et dans l’idéal les apprivoiser est une activité à part entière dans l’exercice du métier de coach. Chevaucher le dragon plutôt que se faire cramer le cul par lui est gage d’une relation de coaching ajustée et au service du client.
La vulnérabilité de la relation enfin
On peut s’accorder à penser que « la pierre angulaire » du coaching est la qualité du lien, la relation entre le coach et le coaché. En pratique, nous sommes en présence de deux êtres qui se co-choisissent, se nourrissant mutuellement du fruit de leurs échanges :
- le coach dans sa pratique
- le coaché dans sa vie professionnelle ou personnelle lui permettant ainsi d’atteindre son objectif.
Oui, ce qui peut être blessé dans le cadre du coaching est aussi la relation de coaching.
Comment une relation peut-elle être blessée ? Ce n’est pas un être de chair et de sang. Elle n’éprouve pas de sentiments ou d’émotions. Et pourtant, chers lecteurs, la relation est peut-être ce qui est le plus vivant entre le client et le coach. Alors, bien entendu, ce n’est pas le vivant biologique ou physiologique dont il est question ici. Il s’agit du vivant du champ relationnel qui existe entre deux humains en interaction. Ce champ qui naît dès lors que deux individus se rencontrent, se développe au fur et à mesure de leurs échanges, connaît des fluctuations en fonction des états internes de chacun d’eux, reste toujours « là » même s’ils ne sont plus l’un en face de l’autre et peut aussi mourir s’il n’est pas suffisamment cultivé et entretenu.
Oui, de mon point de vue, il n’y a rien de plus vivant que la relation et à fortiori, que la relation de coaching.
Pour en revenir à la vulnérabilité, la relation peut donc aussi être blessée. Et, étant donné qu’elle est directement liée à l’existence des acteurs de la relation, vous aurez facilement conclu que c’est bien la vulnérabilité des premiers qui impacte la seconde. D’où la nécessité de faire ami-ami avec la bande de dragons des uns et des autres.
De la vulnérabilité à l’authenticité
Mais la vulnérabilité assumée peut aussi impacter positivement cette relation et en faire une relation authentique.
Il est ainsi intéressant de s’intéresser aux synonymes de vulnérable. Le dictionnaire que j’ai sous la main m’en offre trois : sensible, fragile, faillible. Il me semble que ces trois adjectifs sont à eux seuls une définition (un peu restrictive, je vous le concède) de l’humain. Ainsi se montrer vulnérable serait tout simplement se montrer humain et apporterait alors une authenticité indispensable à la relation avec le client. Au contraire, nier cette réalité serait source d’altération dans la qualité du rapport et ainsi limiterait son action. Accepter sa vulnérabilité en pleine conscience pour la mettre au service du coaching; ainsi est finalement le défi du Coach !
En travaillant chacun sur ses faiblesses, sur ce qui peut nous heurter, nous blesser, nous procédons forcément à un travail de dissociation envers celles-ci. Ainsi en les affrontant, en acceptant d’être vulnérable, imparfait, en acceptant de ressentir tous les sentiments existants, le coach et le coaché augmentent leur palette émotionnelle et donc sortent renforcés et moins faillibles. Pour Brene Brown le remède à cette lutte stérile contre la vulnérabilité, c’est de parvenir à se dire « je suis assez bien comme je suis ». (Regardez ci-dessous son intervention lors d’une conférence TED).
En conclusion, rien de tel qu’un grand auteur alors permettez-moi de citer de nouveau Goethe
Celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection
Qu’il est agréable de lire un billet et de s’y reconnaître. L’évolution de l’humain à travers les âges est incroyable. Finissons-en avec cette image de force absolue, d’invulnérabilité. Finissons-en avec l’image culpabilisatrice de l’humain imparfait car forcément pêcheur et faible. NON!! L’Homme est fort parce qu’il accepte sa propre vulnérabilité et sa qualité d’humain et en fait sa force : l’humilité sans la flagellation. Connaître ses limites et reconnaître ses failles font des humains exemplaires.
Merci à tous les deux et continuez, j’en redemande!!
Bonjour à vous deux.
Cette vidéo, quelle leçon…d’humanité! Merci!
« Ce qui peut être blessé », ce qui a été blessé et ce qui sera blessé…
Chez nous, chez l’autre et dans l’interaction. En tant que coach, comment accepter la vulnérabilité de l’autre, la reconnaitre, et être attentif, précautionneux, délicat pour ne pas jeter l’autre en pâture à ses « dragons », si nous nions notre propre vulnérabilité qui nous permet de comprendre celle de l’autre, si nous la combattons avec force, si nous sommes exsangues de cette bataille sans fin. Si nous ne sommes pas délicats avec nous même, comment l’être avec l’autre?
Aujourd’hui, je n’ai plus de certitudes, juste une grande curiosité qui me pousse à explorer chez les autres et chez moi, avec amour, la part lumineuse de chacun et la part d’ombres sans laquelle il n’y aurai pas de lumière!
Merci à vous deux pour cette réflexion qui éclaire mon chemin.
Bien à vous
Sophie
Bonjour Sophie,
Merci pour ton retour authentique.
Je te remercie de revenir sur l’importance de la délicatesse, de l’élégance, dans la relation et également dans le rapport à Soi.
Tu explores avec délicatesse, justesse et bienveillance.
De beaux « chemins de traverse « s’ouvrent à nous.
Et oui : la force de la faiblesse c’est justement d’accepter sa faiblesse.
« Ce que la force ne peut pas, la fragilité le peut : elle est présente sans menace pour l’autre. Là, on entre dans un autre monde : celui de l’être avec l’autre. » Je cite Marie Balmary dans un joli petit livre : « La fragilité, faiblesse ou richesse ? » 😉
Merci de votre article !
Estelle
http://www.palo-alto-et-compagnie.com
Merci Estelle pour ton retour,
Ton commentaire m’a remémoré une citation de Paul Valery:
« La faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force »
A très bientôt,
« Apprendre à chevaucher le dragon… » Un périple qui vaudra à coup sûr l’investissement mais qui s’avère parfois si difficile lorsque l’on débute sur ce chemin.
Je me délecte avec plaisir de ce contenu riche en sincérité et en sens.
Merci beaucoup pour cette très belle vidéo également. Elle explique avec justesse des pensées qui sonnent comme des vérités en moi.
Continuez ainsi, c’est brillant !
À très vite.
Merci de votre retour encourageant Pierre.
Du début de votre commentaire : « Apprendre à chevaucher le dragon… » Un périple qui vaudra à coup sûr l’investissement mais qui s’avère parfois si difficile lorsque l’on débute sur ce chemin…
…je vais faire mon « petit scarabée » en reprenant une pensée connue de Lao Tseu : « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas.» 🙂
A bientôt
En tant que coach, nous parlons à juste de titre de la puissance de notre action, qui passe par l’écoute profonde et active, la posture avec tout ce qu’elle comporte … Ce regard que nous avons à porter sur nous-même et aussi sur nos clients est celui de l’humain, au centre de notre relation de coaching.
Vulnérabilité de l’humain est un point commun que nous avons avec nos clients : être authentique et aider le client à trouver son autonomie, sa propre authenticité, c’est le conduire en douceur vers sa liberté de choix, parfois courageux (au sens de avec le cœur) et donc accepter ce moment de fragilité (la période de choix comporte du risque) et aussi accepter de l’accompagner avec émotion (parfois avec nos frustrations) dans cette démarche.
Il m’est donc agréable de dire que notre vulnérabilité génère notre force, et que réciproquement sans acceptation de cette vulnérabilité il n’y a pas de force … ou de « puissance coach » !
Aider notre client dans cette condition c’est l’accompagner dans cette prise de recul de son chemin de vie, personnel ou professionnel.
Content de te lire Eric à nouveau Eric.
Merci de ton apport toujours enrichissant pour les lecteurs.
A bientôt
Je te lis régulièrement, et avec intérêt, sans toujours laisser de commentaire !
Tu peux aussi me lire régulièrement en t’abonnant à ma Newsletter (en principe mensuelle) sur mon nouveau site, inscription en bas de la page d’accueil :
http://www.caplarge.com
Cela me fais énormément plaisir de lire ces échanges et après ce que vous venez d’écrire vous tous,j’ajouterai juste une petite phrase:
Nous avons tellement besoin de Coach »Haute Couture »qui rend chaque séance une séance à pièce unique dans l’Élégance et la Grace.
Une petite phrase mais une grande inspiration.
Merci Zohra pour votre commentaire
Christophe,
Tes écrits rentrent pleinement en résonance avec moi. Au delà du fond j’adore, au détour d’une phrase, la légèreté que tu peux y mettre. Pleinement absorbé par la lecture de ton billet, je découvre une expression qui sort du cadre, une image concrète de ce qui peut survenir si tu n’apprivoises pas ton dragon. (« Chevaucher le dragon plutôt que se faire cramer le cul par lui est gage d’une relation de coaching ajustée et au service du client »).
Durant mon travail de domptage de mes Dragons je penserai à mes fesses et à un lance flamme. Ca va accroitre l’intensité de mon travail sur moi même.
Encore merci pour tes écrits. Continue et garde ce style si personnel et si congruent.
A bientôt
Stéphane
Merci de ton retour Stéphane.
Je suis heureux de pouvoir partager mon enthousiasme au travers de ces billets. D’autant plus quand je connais les lecteurs du blog IRL 😉
A bientôt
Se mettre en vulnérabilité dans les relations humaines a plusieurs bénéfices pour moi. Cela calme le jeu des egos et du rapport de force sous-jacent. En nous mettant en vulnérabilité, nous ne sommes plus une menace pour l’autre. Au contraire je crois qu’elle « dédramatise », assouplit la relation, car il y cette authenticité et fragilité mise à nu, qui en premier interpelle l’autre car inédite, peu habituelle. Je crois aussi qu’inconsciemment cela le libère, car cela le renvoie à son désir de « relâcher la pression » et à son envie intérieure inassouvie de se mettre en vulnérabilité aussi. Dans une relation à 2, cela est salutaire pour celui qui ose se mettre en vulnérabilité, pour la relation elle même, car elle se trouve « pacifiée », plus pure et authentique, et indirectement il me semble qu’elle « libère » celui qui reçoit la vulnérabilité, voire lui permettre de s’autoriser à se mettre ensuite à son tour en vulnérabilité.
J’espère que mon propos est clair, cela n’est pas facile d’exprimer tout cela par écrit !
Marie (Japon/Art oratoire)
Le beau billet …
C’est rigolo c’est aspect particulier du rapport au bestiaire… Dragon ou Crapaud, blessures anciennes ou récentes. J’entends dans ce billet à 4 mains plusieurs pistes qui évoquent à la fois : le travail thérapeutique personnel du coach (connais tes limites et ton cadre avant de pouvoir quelque chose pour les autres), les aspects de puissance, toute puissance et d’impuissance (ça fait un peu coté obscur de la force), le génie personnel (nous avons tous du génie, il faut juste frotter sa lampe :)) et enfin et surtout la relation installée entre coach et coaché (le « kit » de survie). C’est toujours compliqué de couper une relation, un peu comme un cordon ombilical.
Beaucoup de résonnance donc, et un questionnement permanent.
Continuez, c’est rafraichissant et essentiel.
Merci de votre retour Pierre
J’ai beaucoup aimé votre image : « nous avons tous du génie, il faut juste frotter sa lampe »
A bientôt
Oui, une magnifique leçon d’humilité dont devraient s’inspirer plus d’un …