Partager la publication "Burn-out du dirigeant : le coaching pour prévenir et se prémunir (partie 2/2)"
Il y a quelques semaines, je publiais ici-même la première partie d’un article concernant le burn-out du dirigeant. Magie du web, spontanéité de l’enfant libre en moi (auquel je laisse de plus en plus de place) et heureuse rencontre m’ont permis de vous proposer cette suite sur un mode plutôt original : l’interview croisée. En effet, l’un des commentaires à l’issue de ce premier article fut proposé par une consoeur coach avec laquelle j’ai eu envie de co-construire cette suite. Quelques échanges plus tard, nous voici en train de partager nos points de vue sur le sujet et croiser nos regards sur la prévention et/ou l’accompagnement d’un dirigeant ayant traversé un burn-out. C’est donc le fruit de notre échange que je vous propose aujourd’hui.
Pour vous permettre de découvrir Claire Chesneau, ma partenaire dans cette exercice en duo, je vous propose sa présentation :
“Le fil rouge de mon parcours ? L’Accompagnement.
J’accompagne des managers, des équipes, des dirigeants dans les grandes étapes de leurs trajectoires professionnelles.
Ma vision du coaching : c’est à la fois une relation qui s’engage entre le coaché et le coach et c’est aussi un processus de transformation qui favorise la prise de conscience de ses propres modes de fonctionnement. Le coaching ouvre un espace de prise de conscience et d’élaboration pour le coaché et le coach, qui entraîne la créativité et le développement personnel.
Ce qui m’anime dans mon métier de Coach ce sont les situations où je peux exprimer les diverses facettes de cette posture tantôt « architecte » pour aider à la construction du Sens et du Projet, tantôt « entraîneur » pour favoriser l’expression et le développement de compétences nouvelles, enfin « guide » pour veiller à proposer à l’occasion du parcours entrepris, les protections et les permissions nécessaires pour que le coaché se révèle à lui-même et exprime le potentiel dont il est porteur.
A bientôt sur le chemin de l’accompagnement et du développement !”
Burn-out du dirigeant : interview croisée de deux coachs professionnels
Christophe
Merci Claire de te prêter au jeu de co-écriture de cet article sur l’apport du coaching dans les situations de prévention ou d’accompagnement post burn-out du dirigeant. Pour commencer et faire du lien, j’ai bien aimé, dans ton commentaire, l’approche sur les quatre dimensions à explorer avec les clients : Temps, Espace, Rapports aux autres et à soi et Rapport au travail. Quels sont les champs que cette exploration ouvre pour un dirigeant face à un burn-out ?
Claire
Merci Christophe pour ton invitation !
Ces 4 dimensions ouvrent une perspective à la fois large et profonde pour le dirigeant face au Burn-out :
Large car elles couvrent les 4 zones clés à explorer, à redéfinir et surtout à ré-équilibrer avec le dirigeant dans son environnement et ensuite profonde, car elle l’invite à engager et à réaliser un travail sur lui, dans un espace dédié, qui d’ailleurs lui fait expérimenter ces 4 dimensions : temps, espace, relation et travail…
Le chemin passe par l’exploration des questions suivantes :
- le temps : comment le dirigeant, post Burn-out, va t-il faire évoluer son rapport au temps, comment engage-t-il pour lui un travail de distanciation pour ne pas se laisser aspirer par l’immédiateté, comment dose (et d’ose :-))-t-il son temps, entre « temps qualitatif » et « temps quantitatif » ?
- l’espace : comment définit-il et choisit-il des espaces/lieux pour se ressourcer et « Etre en sécurité» en regard des lieux où il s’expose professionnellement et où il va « Agir et Faire » ? Quelles frontières se donne-il pour se repérer dans ses espaces ?
- la relation : comment regarde-t-il, post Burn-out, son rapport aux autres, aux collectifs et à lui-même ? Comment reconsidère-t-il son engagement dans le collectif, quel qu’il soit, professionnel, familial, social, en y associant un sens nouveau et plus respectueux pour lui et pour les autres ?
- le travail : comment regarde-t-il son rapport au travail, vers quelles valeurs a-t-il envie et besoin d’investir son énergie ? Quelle nouvelle « logique d’honneur » se donne-t-il pour réussir et vivre demain ?
Tout un parcours en quelque sorte et surtout un vrai chemin à vivre à côté d’eux pour nous qui pouvons les accompagner …!
Quant tu me parles de chemin, forcément ça m’interpelle 🙂 C’est en effet un véritable chemin que les dirigeants arpentent pour, soit se reconstruire, soit éviter d’aller dans le mur. Une réelle quête d’eux-même dans des zones qu’ils n’ont pas l’habitude d’explorer : la connaissance de soi, la prise en compte de leurs propres besoins, la prise de recul, le contact avec leurs émotions, bref tout ce qui fait qu’un dirigeant est avant tout un humain. Trop souvent, cette évidence est loin d’en être une pour celles et ceux qui dirigent d’autres humains et qui connaissent un épisode de burn-out.
J’en profite ici pour partager un élément qui me semble important à préciser. Notre sujet porte sur l’apport du coaching pour prévenir, se prémunir et/ou se reconstruire face ou à la suite d’un burn-out vécu par un dirigeant d’entreprise. Or, il est essentiel de rappeler que le cadre du coaching n’est pas adapté lorsque la crise est au plus fort, que le burn-out est installé. Dans ce dernier cas, c’est une prise en charge médicale qu’il convient de mettre en place. De la même manière que nous parlions de l’élément “temps” tout à l’heure, il me semble important de respecter ce “temps de soin” avant d’entamer un “temps d’accompagnement”. L’idéal, bien sûr, étant de se donner ce “temps d’accompagnement” AVANT que le “temps de soin” ne soit nécessaire…
D’ailleurs, d’après toi, quelle serait la différence d’approche (s’il devait y en avoir une) entre un coaching de prévention et un coaching de reconstruction autour du sujet du burn-out du dirigeant ?
Oui je pense qu’il y a une différence ! La prévention n’exclue pas le curatif et vice-versa ! Et comme tu le soulignes, en phase de « crise » personnelle dans un épisode de burn-out, la personne a d’abord besoin d’être protégée et de « sortir du jeu » (ce qui correspond souvent à la phase d’arrêt de travail), pour être prise en charge médicalement et psychologiquement.
- Un coaching de prévention, c’est un peu pour moi comme M. Jourdain avec la prose…, c’est une expérience quotidienne sans la nommer ! Je m’explique : cela m’arrive régulièrement de travailler avec des coachés qui prennent conscience qu’ils sont arrivés dans cette phase délicate de « pré burn-out » (pas toujours facilement identifiable d’ailleurs car très variable selon les contextes et les personnes…). Ils manifestent déjà dans leur contexte professionnel altéré des premiers signes de fatigue, ils arrivent en retard aux séances et souvent déjà préoccupés, ils n’arrivent parfois plus à réfléchir seuls, leurs émotions deviennent vite envahissantes… Le coaching vient à eux et eux au coaching comme pour éviter que la situation ne se dégrade encore plus…
- Le coaching de reconstruction, vient à la suite de la phase de « cure » qui est propre à la guérison, pour ré-envisager un futur professionnel de façon équilibrée et sereine pour leur « tête-cœur-corps » 🙂 ! Là c’est un travail différent car l’exploration des champs personnel et professionnel est plus vaste, tout est à re-construire justement ou plutôt à construire différemment !
Comment vois-tu les choses de ton regard « double ou mixte » (pardon pour l’expression :-)) de coach et de soignant en psy, entre re-construction et construction nouvelle ? Quel sens donner à ce travail où tout peut arriver pour le Dirigeant dans les choix qu’il a à poser pour trouver son équilibrage prof / perso ?
Je pense que nous sommes là face à un élément récurrent dans tout processus de changement. Les fameux changements de type 1 ou de type 2. Je te propose une métaphore qui reprend les termes que tu as employés sur la construction.
Je vois un dirigeant en post burn-out comme une maison qui aurait subi de lourds dégâts suite à un tremblement de terre. La structure peut rester en place, mais de nombreux éléments essentiels sont fragilisés (toiture (pensées), murs porteurs (valeurs), fondations (estime de soi), système d’évacuation (besoins), etc).
Du coup, le propriétaire de ladite maison se trouve face à un dilemme :
- Soit il colmate les fuites, comble les failles, répare la toiture et effectue quelques menus travaux pour retaper sa maison (changement de type 1)
- Soit il fait table rase et va habiter dans une péniche ou une yourte 🙂 (changement de type 2)
Tu te doutes bien qu’il n’y a pas une solution meilleure que l’autre. Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients. Par exemple, la première demande moins de temps et d’investissement mais la maison risque de garder quelques fragilités; et en cas de nouveaux séismes, on court à la cata. La deuxième est plus longue à mettre en place, plus fatigante à construire, plus coûteuse aussi (quoique…), mais à terme, ce n’est plus de la même maison dont il s’agit; la structure de base a été revue de fond en comble et le mode de vie est carrément différent.
Je pense que la décision que prendra un dirigeant en phase de re-construction ou de construction nouvelle après un burn-out sera, de toutes façons, la meilleure qu’il prendra au moment où il la prendra. D’ailleurs cela pourrait même être son premier pas vers une prise de conscience de ce qui est bon pour lui.
Ce qui nous renvoi à notre posture de coach qui prend ce que le client lui amène; que ce dernier veuille retaper sa maison ou déménager dans une péniche, c’est OK. Voyons simplement et humblement comment l’accompagner au mieux pour qu’il obtienne ce qu’il veut.
Donc, si je résume un peu, nous avons échangé sur l’intérêt d’un coaching de dirigeant en pré et/ou post burn-out. Maintenant, je te propose de faire un petit focus sur le côté préventif. Pour toi, quels seraient les 3 ou 4 points importants à respecter pour éviter à un dirigeant de se retrouver dans une situation de burn-out ?
Hum… c’est une question que je trouve à la fois très difficile, histoire de ne pas tomber dans une liste du genre « chek-list standard » qui se révèlerait inapplicable pour certains, et en même temps question que je trouve très intéressante car véritablement centrale. Je vais tenter d’y répondre sur la base du bon sens avant tout…et au service de tous !
Cette question est en quelque sorte une invitation lancée aux dirigeants. Invitation de laisser émerger en eux, une place pour leur « Jiminy criquet » !!
Voici pour moi les éléments qui me semblent important de garder en bonne vigilance personnelle lorsque l’on a vécu un épisode de Burn-Out et/ou que l’on se sent en phase de prévention ou simplement en « difficulté » dans son environnement professionnel :
- L’ énergie corporelle : j’invite le dirigeant à regarder comment il décide et agit, pour se ressourcer physiquement, comme pour se décharger des tensions accumulées et des stress « in-corporés ».
- L’ énergie cognitive : j’invite le dirigeant à décider et agir, pour s’ouvrir intellectuellement, sortir du « cadre » et libérer des îlots « fertiles » de créativité et/ou d’innovation, afin qu’il évite de s’enliser dans des sujets routiniers et/ou récurrents.
- L’ énergie émotionnelle : j’invite le dirigeant à décider et agir pour accueillir, réguler et ressourcer ses émotions afin que la charge « négative » de certaines émotions ne viennent pas alourdir ou entacher de négatif sa présence et sa disponibilité, pour lui et pour les autres.
- L’ énergie « aspirationnelle » je pourrai ainsi dire : j’invite le dirigeant à se mettre à l’écoute de ses moteurs, de ses envies professionnelles et personnelles. Je l’invite à envisager régulièrement, comment concilier « lucidité et discernement » avec « rêves et envies ».
Sans doute d’autres critères sont importants à trouver pour chacun, je crois simplement que c’est surtout le développement de sa propre conscience de soi qui va leur permettre de trouver les bons indicateurs et régulateurs !
Quels autres points de repères concrets pourrais-tu proposer à un dirigeant dans une phase de prévention du burn-out ?
Oui, je te rejoins sur le risque des recettes de cuisine et autres check-list généralisantes; à utiliser avec parcimonie et bon escient (deux potes très sympa au demeurant…). Tes pistes autour de la notion d’énergie sont très intéressantes et reprennent bien le trio Tête – Coeur – Corps qui me parle particulièrement. Et, oui, trois fois oui, en ce qui concerne la conscience de soi; c’est en effet un des bénéfices majeurs que peut générer un accompagnement en coaching.
Une autre piste dans une démarche de prévention de burn-out (surtout s’il concerne un dirigeant) se situe dans le champs des signaux faibles non repérés ou parfois minimisés et du coup non pris en compte. Généralement, ces signaux faibles sont des micro-alertes de besoins non-satisfaits.
Exemples :
- Le dirigeant a-t-il remarqué dans son quotidien que des éléments de son environnement (événements, faits) ou de son ressenti (sentiments, perceptions) ne fonctionnaient plus aussi bien qu’avant ? Que les “choses” n’étaient plus aussi fluides ?
- S’il a remarqué ces éléments dysfonctionnels, en a-t-il mesuré les conséquences pour son équilibre et sa santé ? En a-t-il fait un sujet à traiter et avec quelle priorité ?
- Enfin s’il a pris conscience que la problématique était bien présente, a-t-il conscience des options qui s’offrent à lui pour la résoudre ? Parvient-il à mobiliser ses ressources pour y faire face ?
Bien sûr ce ne sont que des pistes de réflexions, plus facile à écrire qu’à mettre en place. D’où le sujet de ce billet sur l’apport du coaching pour prévenir et se prémunir du burn-out du dirigeant.
Je vois que nous sommes tous les deux engagés et motivés par ce sujet. Cependant, n’oublions pas nos lecteurs qui doivent avoir les yeux qui commencent à piquer une fois arrivés à ce stade de l’article. Je crois donc qu’il est grand temps de conclure.
Quelle serait donc ta conclusion sur le sujet ?
Ma conclusion Christophe tient en 3 points.
Accompagner des dirigeants avant ou après un burn-out :
- C’est une étape clé, parfois même vitale, dans leur trajectoire de vie professionnelle, ne l’oublions pas et gardons présentes à l’esprit, “sagesse et humilité” comme fidèles compagnons de route pour être et agir en « juste guide » à leur côté.
- C’est aussi mettre en lien des ressources complémentaires autour de la personne du dirigeant pour lui offrir une somme de perspectives, de regards, d’écoute, de lieux différents et complémentaires, qui favorisent son travail de discernement.
- C’est enfin, selon moi, comme un véritable « cadeau à-cueillir”, car le chemin d’accompagnement ouvre vers une plus forte conscience de soi…
Je te laisse conclure Christophe !
Je suis en phase complète avec ta conclusion. Sur le sujet, je crois que nous nous sommes exprimés à minima via ce média qu’est le blog. Ma conclusion servira plus pour te remercier encore une fois de t’être prêtée à cet exercice d’écriture à quatre mains. Comme je te le disais en off, il n’est pas exclu que cette co-création prenne une forme un peu plus avancée dans le futur.
Voici un petit teaser que les lecteurs ayant eu la patience de lire jusqu’ici ne manqueront pas d’apprécier… 🙂
Vous avez aimé ce billet ? Pensez à le partager…
Bonjour, sensible au sujet du burn out car je l’ai vécu, non pas en tant que dirigeant, mais salarié en 2012-2013. Donc, j’ai lu vos articles sur le sujet et je peux dire qu’ils sont très intéressants, et apportent beaucoup sur l’approche du pré et post burn out. Il va de soi que le burn out d’un tel n’est pas le même que l’autre, on ne peut faire de comparaison car tout dépend de l’histoire personnelle et professionnelle. Je dirais que le plus difficile pour sortir du burn out est l’approche avec l’extérieur, avec le monde. La déception peut être grande. Mais, cela peut aussi être une bonne chose, elle vous amène à repenser votre vie sous un autre regard et très certainement celui que vous aviez envie depuis très longtemps, enfoui et sans crainte vous irez vers cet horizon. Dernière petite chose, un élément fondamental : l’acceptation de soi dans la situation du burn out, et ensuite pour sortir, il faut la patience car elle vous permettra d’avancer lentement mais sûrement. Vous en sortirez grandi, plus serein. Je m’arrête là, au plaisir de vous lire.
Bonjour Christine
Merci pour votre agréable retour.
En effet, l’être humain est multiple et chaque personne ayant connu la difficile période de burn-out aura une représentation et un vécu très personnel.
Je mets aussi en lien la difficulté que vous évoquez avec l’extérieur, le monde et ce que disait Claire à propos des 4 dimensions à explorer avec le client (temps, espace, relation, travail).
La reconstruction post burn-out est une véritable quête de soi.
A bientôt
Merci pour ce billet très intéressant tant sur la forme que sur le fond.
Vivement le prochain épisode! 🙂