Notre voyage en terres linguistiques touche à sa fin. Après le périple sur le continent des sélections qui nous a permis de récupérer des données essentielles à une écoute la plus objective possible, et les péripéties que nous avons traversées sur le territoire des distorsions qui nous faisaient prendre des vessies pour des lanternes, explorons cette semaine le dernier des processus linguistique dans la construction de notre modèle du monde. J’ai nommé les généralisations. Vous pouvez vous détendre, c’est du beurre en comparaison avec la semaine dernière 🙂

Le processus de généralisation est celui que je préfère, à plus d’un titre. Tout d’abord il est très simple à repérer (et j’aime quand c’est simple). Ensuite, les questions qui viennent le recadrer sont faciles à poser (et j’aime quand c’est facile). Enfin, c’est celui dont j’ai réussi le mieux à m’affranchir dans mon fonctionnement quotidien (et j’aime me sentir libre de mes choix)

Omni Tempore Universalis

Genre je parle le latin 🙂

Au départ, le processus de généralisation est ce qui nous permet de reproduire une expérience vécue une fois, dans de multiples contextes où ladite expérience est nécessaire. L’exemple le plus simple est l’ouverture d’une porte. Dès que nous étions en âge d’ouvrir une porte, le processus qui y est associé nous a permis, après quelques répétitions, de renouveler l’expérience avec n’importe quelle porte. Nous avons généralisé le processus.

C’est donc dans le champs de l’apprentissage que la généralisation est indispensable. En revanche, dès qu’elle fait son apparition dans le champs de la communication, elle prend son air fourbe et peut nous pourrir la relation à l’autre (ou à soi). Elle est aussi experte dans l’art de créer des croyances limitantes sur nous, les autres, le temps ou le monde qui nous entoure. Il suffit que nous ayons eu une expérience malheureuse une fois, pour que nous en tirions la conclusion (hâtive) que toutes les expériences du même ordre vont être à nouveau négatives.

Le processus de généralisation est composé de trois formes linguistiques aux noms aussi barbare qu’un certain Conan: les quantificateurs universels, les règles personnelles généralisées et les jugements universels.

Bon, après avoir sorti la science, il est grand temps de passer aux exemples concrets.

Ne jamais dire jamais

Les quantificateurs universels sont des adjectifs, des adverbes ou des groupes de mots qui amènent à rendre global un cas isolé. Il peut s’agir d’expériences concernant des humains (soi et autrui), des lieux, du temps ou des choses.

Exemples: jamais, toujours, tous, toutes, tout le monde, personne, à chaque fois, rien, tout, aucun, pas un seul, etc.

L’idée pour recadrer ces généralisations est alors de chercher l’exception qui vient, non pas confirmer la règle, mais assouplir le caractère rigide et universel de l’expérience généralisée. Cela offre aussi plus de choix pour enrichir le modèle du monde de l’interlocuteur … ou le notre.

Voici quelques exemples de phrases que vous avez probablement entendues un jour, ainsi que des exemples de questions pour les recadrer.

Quelqu’un vous dit: «  Tu arrives toujours en retard »
Vous pouvez lui répondre: « Toujours? Vraiment toujours? »
(recherche de l’exception)

Quelqu’un vous dit: « Elle ne m’écoute jamais« 
Vous pouvez lui répondre: « Jamais? Y-a-t-il quand même une fois où tu as été entendu? »
(recherche de l’exception et bascule de l’objet de référence (de « elle » à « tu »)

Quelqu’un vous dit: « Ici, tout le monde est hypocrite »
Vous pouvez répondre: « Tout le monde? » (facile, je vous l’avais dit)

Le fil rouge du recadrage de ce type de généralisation est de conduire la personne à prendre conscience que le caractère universel de sa croyance n’est plus aussi exclusif qu’il ne le pense.

Faut qu’on, y’a qu’à

Les règles personnelles généralisées sont toutes ces règles que nous nous imposons (ou qui nous sont imposées) à longueur de temps et qui nous enferme dans un carcan aussi rigide qu’un sergent chef de l’armée russe.

Certaines règles sont, bien entendu, nécessaires à une vie en communauté ou au sein d’une entreprise. Pour autant, la plupart des règles que nous suivons peuvent être largement assouplies pour le plus grand bonheur de notre écologie personnelle.

Les phrases liées à ce processus sont généralement construites avec les verbes falloir, devoir et pouvoir ainsi que toutes leurs déclinaisons sous leurs formes négatives (ne pas…).
L’objectif du questionnement est alors de retrouver une origine à la règle énoncée et ainsi envisager d’autres alternatives. Comme à l’accoutumée, l’idée est de disposer d’un panel de choix plus large dans notre modèle du monde.

Quelques exemples:

Quelqu’un vous dit: « Je ne peux pas lui dire non »
Vous pouvez lui répondre: « Que se passerait-il si tu lui disais? »
(Recherche des conséquences possibles)

Quelqu’un vous dit: « Nous devons finir ce travail avant la fin du mois » (bonjour la pression!!)
Vous pouvez lui répondre: « Que se passerait-il si nous le finissons après?« 
(Retrouve l’origine de la règle)

Quelqu’un vous dit: « Il faut être à l’heure« 
Vous pouvez lui répondre: « Et si nous le sommes pas?« 
(Cela peut sembler un brin provocateur, mais tout dépend de la façon dont nous nous exprimons)

Vous constaterez que vous pouvez contextualiser ces petits dialogues soit avec deux personnes, soit avec vous-mêmes (le fameux dialogue interne). Donc utilisez aussi à volonté ce type de recadrage sur vous-même; c’est un bon moyen d’obtenir un peu plus de souplesse dans votre fonctionnement et de (vous) créer plus de choix dans vos réponses.

Le jugement dernier

Les jugements universels font aussi partie des règles mais dont l’origine s’est perdue dans les limbes du passé. Ces jugements jouent le rôle de rails qui nous guident, sans même que nous nous en apercevions, vers une destination qui nous apparaît comme unique.

L’idée du recadrage est alors de retrouver cette origine perdue afin d’en évaluer la cohérence dans le contexte présentée.

Exemples:

Quelqu’un vous dit: « On ne parle pas aux étrangers » (Vieille ranguène de tata Fifine)
Vous pouvez lui répondre: « Qui dit ça?« 
(retrouve l’origine de la règle qui, bien souvent, est une croyance)

Quelqu’un vous dit: « Il ne faut jamais pleurer »
Vous pouvez lui répondre: « Que se passerait-il si tu pleures? »
(retrouve la croyance sous-jacente)

Quelqu’un vous dit: « C’est mal de répondre à un supérieur »
Vous pouvez lui répondre: « Mal pour qui? »
(retrouve l’origine de la croyance… si tant est qu’il y en ait une)

Pour finir

Le voyage au pays des processus de modélisation de notre modèle du monde est maintenant terminé. Les contrées des sélections, distorsions et généralisations, n’ont désormais plus aucun secret pour vous.  J’espère que vous en garderez de bons souvenirs et que les richesses et particularités que vous avez visitées vous seront utiles à un moment ou à un autre.

Je vous invite à vous entraîner à repérer ces processus dans les discours auxquels vous participerez dans les prochains jours. Car s’il y a bien une généralisation que je revendique c’est celle de TOUJOURS écouter votre interlocuteur avec TOUTE votre attention centrée sur lui 😉


Si vous voulez améliorer votre communication en sortant des généralisations et autres filtres du langage, contactez-moi ici; nous pouvons travailler ensemble.


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