Partager la publication "[Article invité] – Story Thérapie : quand réécrire sa propre histoire permet de guérir"
Les pratiques narratives m’ont toujours intéressées. J’ai même une consœur qui en fait l’une de ses spécialités (coucou Marie-Noëlle Mathieu). Heureux hasard des rencontres dans la blogosphère, je reçois aujourd’hui Alexandre Nouhaud du site storytellingmaster.com. Comme le nom de son site le laisse supposer, Alexandre s’est spécialisé dans le storytelling, ou l’art de savoir raconter de (belles) histoires; les pratiques narratives en font partie et peuvent être très intéressantes si vous voulez reprendre votre vie en main.
Les histoires possèdent des pouvoirs fantastiques et nous émerveillent depuis la nuit des temps. Nous nous en servons depuis toujours pour enseigner, avertir, divertir et plus généralement pour transmettre une morale.
Dans le monde de l’entreprise, les histoires ont également de nombreuses vertus bénéfiques comme par exemple la capacité de convaincre ou de fédérer une audience. Dans ce contexte, on appelle cela le storytelling. Mais il ne se limite pas à cela !
En effet, les histoires ont aussi un super pouvoir caché qui est ignoré du grand public et qui peut faire énormément de bien à beaucoup de personnes qui ressentent un profond mal-être.
Ce super pouvoir, c’est la story thérapie, ou plus exactement la thérapie narrative si nous voulons rester fidèle au terme anglais.
La thérapie narrative est une méthode de développement personnel peu connue en France et consiste tout simplement à séparer une personne de son problème grâce à une histoire.
L’objectif est de découvrir chez nous des opportunités de croissance et de développement tout en cherchant du sens afin de mieux nous comprendre.
En pratique, presque tout peut être expliqué par cette citation d’Albert Einstein
« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré. »
Comment la story thérapie fonctionne-t-elle ? C’est ce que nous allons dès maintenant détailler dans la partie suivante de cet article.
Je tiens juste à préciser que cet article est imprégné de mon interprétation personnelle de la story thérapie afin de vous délivrer un contenu riche et nouveau qui ne soit ni un copié collé, ni une vulgaire traduction. (c’est donc une interprétation subjective et ce, même si elle se veut objective)
Story Thérapie : définition et fonctionnement
L’approche de la story thérapie comme elle est pensée par Michael White et David Epston (les créateurs de la méthode) considère que l’identité de la personne est construite à partir de ses relations avec les autres et les histoires qu’on raconte à son sujet.
En des termes plus simples, cela signifie que notre réalité est complètement déformée à cause de l’avis des gens, de leurs critiques ou de leurs pensées. (l’environnement social)
Si nous répétons régulièrement à un enfant qu’il est médiocre et qu’il ne réussira jamais rien dans la vie, cela va avoir pour effet d’ancrer des croyances limitantes sur lui-même, de devenir sa propre réalité et certainement limiter son développement et son potentiel d’épanouissement. (il va finir par croire qu’il est vraiment médiocre)
La construction de son identité va être chaotique et toute sa vie, il aura des problèmes dans sa relation avec les autres. Manque de confiance en lui, état d’esprit défaitiste, négativité constante, méfiance excessive… la fausse réalité qui est sienne finira par l’enliser dans une spirale négative.
Ce qui est génial avec la story thérapie, c’est qu’elle permet de revisiter les tenants et les aboutissants de cette fausse réalité destructrice au profit d’une nouvelle réalité plus épanouissante et surtout, révélatrice des ressources cachées que la personne a en elle.
En pratique, il s’agit d’écrire une nouvelle page de votre vie et donc, une nouvelle histoire dans laquelle vous êtes le héros.
Dans cette histoire toute neuve que vous devez ré-écrire, vous êtes encouragé à adopter de nouvelles perspectives qui vont venir déconstruire les faux récits du passé et si nécessaire, ceux du présent si le mal perdure jusque-là.
Les différents avantages de la Story Thérapie
Vous l’aurez compris, la thérapie narrative présente de nombreux avantages pour la personne qui ressent le besoin de revisiter ses schémas fonctionnels limitants.
Les principaux avantages de la thérapie narrative sont les suivants :
- Reconstruire et réparer l’identité de la personne
- Construire de nouvelles histoires qui mettent en avant les espoirs de la personne, ses rêves, ses qualités et compétences cachées
- Reconnecter les personnes avec leurs initiatives personnelles
- Envisager la personne sous un mode relationnel
Imaginez un monde dans lequel il n’existerait pas de concept de normes, pas de classes ou d’origines sociales, pas d’idées reçues, pas de jugements de valeur faciles, pas de personnes toxiques et rien de tout cela.
Votre vie aurait-elle été différente dans ce contexte ? Certainement !
Prenons un exemple. Julien est très intelligent, extrêmement brillant mais a grandi dans un contexte socio-économique très pauvre dans lequel il était constamment ignoré, toujours rabaissé et jamais reconnu pour les qualités évidentes qu’il possède.
La télévision est constamment allumée chez ses parents et ces derniers sont incapables de l’aider pour ses devoirs ou pour tout autre problème d’ordre psychologique ou social. Julien est en quelques sortes livré à lui-même et cela devient sa propre réalité pour toute sa vie ! Dans ce contexte difficile, ce génie n’est (soit disant) qu’un pauvre gars en échec scolaire, peu cultivé et destiné à une vie dissolue.
En changeant ne serait-ce que la variable du contexte socio-économique, son potentiel serait pleinement exploité et sa vie aurait été complètement différente. S’il avait par exemple lu des livres au lieu de regarder la télévision toute la journée et si il avait été aidé pour ses devoirs ainsi que pour ses problèmes personnels, sa vie serait complètement différente !
Mais il y a une variable qui ne changera jamais : Julien est un jeune homme très intelligent et il doit en prendre conscience pour avancer.
Si nous devions réécrire l’histoire de Julien, nous devrions mettre tous ses points fort en avant et déconstruire toutes les idées préconçues qu’il a pu avoir sur lui-même ou sur le reste du monde à cause d’une vision d’ensemble totalement biaisée.
Exemple pratique : l’histoire dont vous êtes le héros
Voici un exercice simple que je vous invite à mettre en pratique. Ce dernier va vous permettre de mieux saisir le fonctionnement de la story thérapie dans le concret. (si vous en ressentez le besoin, bien entendu)
Vous pourriez commencer par dresser une liste de points à déconstruire dans la nouvelle histoire personnelle que vous allez écrire :
- Quelle image avez-vous de votre propre personne ? (négative, positive, ect ?)
- Quels sont les problèmes qui vous paraissent le plus insurmontables ?
- Que pensez-vous du monde en général et quelle image avez-vous de celui-ci ?
- Comment voyez-vous vos relations avec les autres personnes ?
- Trouvez-vous que votre réalité soit vraiment le reflet de votre identité profonde ?
- Comment envisagez-vous votre vie dans les dix prochaines années ?
En répondant sincèrement à ces questions et en relisant vos réponses un peu plus tard avec beaucoup de recul et d’objectivité, vous allez certainement constater qu’il y a pas mal de choses à déconstruire dans tout ce qui peut constituer votre réalité actuelle.
Au passage, le livre Père riche, père pauvre de Robert T. Kiyosaki explique très bien cette notion de réalité qui façonne notre identité.
Une fois que vous aurez relu vos réponses avec suffisamment de recul et d’objectivité, je vous invite à construire une histoire dont vous êtes le héros avec les éléments suivant :
- Votre super pouvoir (le ou les compétences cachées que vous sous-estimez)
- Élément déclencheur (la raison pour laquelle vous réécrivez votre histoire)
- Les avantages et leçons que vous pouvez tirer de votre passé (même difficile)
- Vos alliés (les personnages qui comptent pour vous et qui vous font du bien)
- L’ennemi juré (le but final à atteindre, comme le boss final d’un jeu vidéo)
- Les péripéties (racontez les épreuves que vous traversez pour atteindre l’objectif)
- La situation finale (projetez-vous dans le genre de futur qui vous fait le plus envie)
Bien souvent, ce que nous pensons être notre réalité n’a rien de réel…
En ré-écrivant votre histoire, vous rééquilibrez les forces, vous changez la donne et vous vous rapprochez d’un réalité plus juste, plus véritable et plus représentative de vous-même.
C’est à vous seul de la réécrire. Ne laissez pas qui que ce soit vous définir d’une manière qui puisse profondément vous nuire et incarnez ENFIN le héros que vous êtes depuis toujours sans le savoir !
La petite histoire de la Story Thérapie
Créée au début des années 1980 par deux thérapeutes australiens, White et Epston, l’approche narrative a réellement commencé à se développer à partir de 1990. Essentiellement implanté dans les pays Anglo-Saxons, ce courant reste peu connu des thérapeutes en Europe francophone. (malheureusement).
Michael White est un travailleur social australien, inventeur de la Thérapie narrative, qui est devenue une théorie importante pour la psychothérapie actuelle. Il a également été à la source de techniques qui furent adoptées dans d’autres approches théoriques. (source)
David Epston, né le 30 août 1944 à Peterborough dans l’Ontario, est un thérapeute et travailleur social néo-zélandais, co-directeur du Centre de thérapie familiale à Auckland en Nouvelle-Zélande et professeur invité à l’université John F. Kennedy. Epston et son défunt collègue et ami Michael White sont connus pour avoir fondé la « thérapie narrative ». (source)
En France, la thérapie narrative fait donc son apparition en 2004, à la demande de Mediat-Coaching qui a fait venir Michael White en France entre 2004 et 2007.
Pierre Blanc-Sahnoun a également beaucoup contribué à populariser la thérapie narrative en France.
Pensez à partager cet article avec vos amis sur les réseaux…
Bonjour,
Super article concis et fluide. Je découvre la thérapie narrative via ce post et je dois dire que cela m’intéresse vivement. L’art de raconter des histoires et de nous raconter à nous-même des histoires est l’un des super-pouvoir du genre humain. C’est grâce à lui que notre espèce a pu se développer… De ce fait, réécrire sa propre histoire et le faire de manière positive (pour une fois) me semble être d’une puissance redoutable.
Encore merci.
Grégory du blog des sciences pour changer de vie.
Bonjour Christophe,
c’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme et d’intérêt que je lis les articles que tu postes généreusement sur ton blog et nombreux sont ceux qui me sont source d’inspiration et de réflexion.
Je souhaiterais compléter, voire amender, l’article sur le « storrytelling » ou « story therapy / therapie ».
J’invite pour ce faire les internautes à aller visiter le site de référence français de la thérapie narrative sur ce lien https://www.lafabriquenarrative.org/blog/.
Je les invite chaudement à s’y référer, s’ils souhaitent s’initier et se perfectionner dans cette approche issue de la thérapie sociale, de l’anthropologie et de la linguistique (voir le site en question).
Ils y trouveront l’histoire des fondateurs, de nombreux articles et recherches sur la puissance de l’approche narrative et aussi les lieux et dates de formations possibles.
J’en profite pour vous parler du site des traversées narratives https://www.traversées-narratives.fr/ qui offre également des formations sur Lyon ou Nice par des 4 « drôles de dames » issues de la formation de la Fabrique Narrative.
L’approche narrative est bien plus que la « réécriture » d’une histoire, c’est une démarche beaucoup plus large qui « s’inscrit dans le respect des « pratiques de vie » de chacun dans sa capacité à évoluer ».
Vous pouvez aussi visionner cette vidéo https://vimeo.com/16400872 qui a (déjà) 9 ans où Pierre Blanc-Sahnoun évoque ce qu’est l’approche narrative et notamment le fait que « la plupart du temps, nous sommes collés à une, deux ou trois histoires qui tournent toujours autour des mêmes thèmes identitaires (je suis timide, je manque de confiance en moi, je n’y arrive pas, je ne suis pas assez payé, ma vie professionnelle n’est pas très satisfaisante, mon équipe ne fonctionne pas très bien…) et qui vont être des descriptions pauvres de l’individu et en racontant et en épaississant tout les temps ces descriptions pauvres, on va se retrouver dans une histoire qui enferme l’individu et l’individu va retirer obligatoirement des conclusions identitaires de ces histoires et se dire « je suis timide » donc ça veut dire que dans mes rapports avec les autres, je vais interpréter mon histoire de timidité et quand je suis en échec dans la relation, je vais me dire « ha oui, décidément, je suis timide et c’est pour ça que je n’arrive pas à entrer en relation avec les autres ».
Donc, une histoire dominante de notre problème, comme on dit dans notre jargon, qui tourne en boucle et l’individu va être enfermé dans une histoire dont il ne peut pas sortir… et il va en tirer des conclusions identitaires qui font qu’il ne va pas voir toutes les situations où il a su communiquer et encore plus que ça, il ne va pas voir qu’être un bon ou un mauvais communicant, ça se définit par rapport à un contexte… Un groupe, ce sont des gens reliés par des histoires… ».
Début, suite et fin sur la vidéo.
Bien sincèrement,
Flo_de_Lyon
Merci pour ce contenu très clair. Comme le dit très souvent l’un de mes mentors: « ce ne sont pas les faits qui déterminent notre réalité mais l’histoire que l’on se raconte ». Et en changeant l’histoire de notre passé, c’est un nouveau futur qui s’ouvre à nous!