Connaissez-vous le film “La Haine” réalisé par Mathieu Kassovitz et sorti en 1995? En guise d’introduction, un homme dressait ce tableau: “C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un building de 50 étages, et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : Jusqu’ici, tout va bien… Jusqu’ici, tout va bien… Jusqu’ici, tout va bien…Mais le plus important c’est pas la chute… c’est l’atterrissage”. Cette parabole laisse la place à de multiples interprétations. Celle que je voudrais partager avec vous cette semaine est liée au caractère fondamental de la demande dans les métiers de l’accompagnement, coaching compris.
Je m’explique
Il est clair que si nous prenons cette histoire au premier degré, l’homme en question aurait beau demander à être soutenu dans cette pénible épreuve, il n’aurait probablement eu que peu de chance d’être entendu.
Prenons maintenant un peu de recul. Un individu se trouvant en difficulté dans un domaine lié à son environnement, ses comportements, stratégies, valeurs ou identité ne pourra trouver des solutions à sa problématique qu’à trois conditions:
- qu’il ait une vision suffisamment claire et objective de sa situation
- qu’il soit pleinement conscient des ressources qu’il possède ou dont il aurait besoin
- qu’il sache comment les mobiliser de façon adaptée dans ce contexte
Heureusement, dans la majorité des cas, (disons à 90%, mais je n’en sais vraiment rien… ) ces trois conditions sont réunies et la personne peut, plus ou moins rapidement, trouver une issue favorable à ses préoccupations. Il reste cependant 10% des situations où l’une ou plusieurs des conditions citées plus haut viennent à manquer. De là, les seules issues trouvées s’avèrent être des illusions, des conflits, du stress et autres états que nous avons vus il y a quelques temps et imagés par l’acronyme CRASH.
Que reste-t-il alors?
C’est ici qu’intervient la notion de demande. Car dans ces 10% de situations où la satisfaction d’être libre de ses choix laisse la place à la douleur de se sentir emprisonné dans un bourbier, l’action de demander un appui extérieur devient essentielle et, dans certaines circonstances, vitale. Mais ça, disons que c’est dans le monde d’Alice au pays des merveilles.
Dans la vraie vie, demander à quelqu’un que l’on ne connaît pas ou peu, de porter un regard sur une situation problématique que nous ne sommes pas parvenus à solutionner seul, n’est pas forcément très engageant. Par ailleurs, même dans le cas où l’entourage propose son aide (amis, famille), les difficultés à confier sa problématique restent les mêmes.
Goûter le fruit
De quoi dépend alors une demande, ou plus exactement l’action de formuler une demande, à un professionnel de l’accompagnement ? Probablement de plusieurs facteurs liés de près ou de loin à la perception de la personne sur sa situation. En voici quelques-uns:
- Le niveau d’inconfort dans lequel se trouve l’individu. Certains ont en effet un seuil de tolérance aux difficultés perçues plus élevé que d’autres.
- Le niveau de désir d’engagement dans un processus de remise en question de ses schémas de fonctionnements limitants. Autant vous dire que ce niveau est généralement bas…
- Le niveau de de motivation à s’extraire de la situation difficile ou à contrario à se diriger vers le chemin de la réalisation de soi. Ce sont les méta-programmes “Aller vers” et “Éviter de” connus des PNListes.
- Le niveau de confiance en soi pour faire le premier pas. En voici un beau paradoxe!! Il arrive en effet que la thématique qui pose problème soit justement le manque de confiance en soi. Pas évident alors de passer le cap de la demande!
- Le niveau de confiance en l’Autre. En l’occurrence, l’Autre étant le professionnel de l’accompagnement. C’est là que peut entrer en ligne de compte des éléments de réassurance pour le futur accompagné comme : les recommandations d’un proche, les rencontres informelles avec le professionnel, la connaissance des critères de qualité liés à sa profession… ou la lecture de son blog 😉
- Le niveau de perception du rapport bénéfices / risques évalué par le principal intéressé. Plus il est grand, plus l’action de la demande pourra être réalisée avec facilité. Pour se sentir en sécurité, l’idée est d’obtenir à minima un ratio de 2, c’est à dire percevoir deux fois plus de bénéfices que de risques à se faire accompagner.
Il doit y avoir bien d’autres facteurs liés à la demande. Si vous en voyez d’autres partagez-les dans les commentaires pour enrichir l’article.
Je vais m’arrêter là pour cette fois, car ça risque d’être encore un peu long. Dans le prochain billet, je traiterai de la deuxième partie de ce sujet qui concernera la différence entre la demande et le besoin.
Pensez à partager cet article avec vos amis sur les réseaux…
Bonjour,Christophe,
(Je n’aimerais,en aucun cas,être à la place de l’homme qui tombe de cet immeuble…)
Je pense que,toute personne en difficulté,si les trois conditions que tu as énumérées sont réunies,néanmoins,il aura besoin de l’aide d’autrui.Imaginez un employé en conflit persistant avec son patron.Sans les syndicats et…et…cet employé soit,il subit un calvaire quotidien,soit il sera licencié et il se retrouvera au chômage.Cette problématique que tu viens de soulever réussit dans le cas où la partie qui représente le problème proprement dit est facilement palpable…
Bonsoir Tahar
Merci de ton commentaire. Je ne sais pas si tout le monde a besoin d’une aide d’autrui. Cela dépend de nombreux facteurs dont le premier est effectivement le contexte. Pour reprendre l’exemple que tu donnes, l’employé en conflit avec son patron peut disposer d’assez de ressources, de discernement et de confiance en lui pour aller voir ailleurs et ne plus rester dans cet environnement toxique pour son équilibre.
Après, avec le contexte économique actuel, je conçois que ce ne soit pas forcément facile.
A bientôt
Merci Christophe.
Je rencontre, ce matin, une personne pour laquelle j’ai recommandé un coaching. Je vais lui copier votre texte.
Et … je ne peux m’empêcher de citer ici, une pensée glanée jadis et qui me revient souvent :: « Il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de problème. » (Marcel Duchamp) Dans ce sens, j’ai bien hâte de lire la suite :: demande -vs- besoin.
Merci pour ce partage Suzanne.
La formule de Marcel Duchamp fait désormais partie de ma « quote-list » 😉
Bonjour Christophe et merci pour ton article.
Avec l’action de formuler une demande il y a aussi le fait d’oser demander. Parfois, j’observe que la peur de recevoir un « non » à une demande rend le passage à l’action difficile…
Est-ce que le niveau d’acceptation du « non » serait un autre facteur?
Belle soirée,
Florence
Bonjour Christophe et merci pour ton article.
Avec l’action de formuler une demande il y a aussi le fait d’oser demander. Parfois, j’observe que la peur de recevoir un « non » à une demande rend le passage à l’action difficile…
Est-ce que le niveau d’acceptation du « non » serait un autre facteur?
Belle soirée
Florence
Bonsoir Florence
Oui, tu as sans doute raison sur la peur de recevoir un « non ». Perso, je fais un lien entre le fait d’oser demander et le niveau de confiance en soi. Mais c’est vu de ma fenêtre 🙂
Merci à toi pour ton commentaire
Bonjour Christophe !
Effectivement, laisser émerger la demande, finalement, en coaching, cela exige de la maturité de la part du coaché… mais aussi du coach !
Sinon, le risque de rentrer en sauvetage est quasi inévitable (et il me semble que sur le sauvetage, tu as écris des choses assez justes sur ton blog…)
Je crois qu’il faut être lucide sur ce que « nourrit » en nous ce métier… Juste une petite lumière pour ne pas oublier que nous ne « sauverons » personne, mais que nous ne serons pas des monstres pour autant ! Juste des êtres humains sensibles à la détresse d’autrui, mais parfois impuissants… ;o)
Merci Christophe pour le ton de tes articles !
Sandrine
Bonsoir Sandrine
J’en parlais justement avec un pair cet après midi de ce « pour quoi » intrinsèque et profond qui nous a conduit à notre pratique de coach.
De plus, en tant qu’infirmier de formation et de pratique en psy, j’ai été très tôt lucide et au fait de mon côté « sauveur » afin de ne pas tomber dans les pièges du triangle dramatique. C’est même de l’ordre de l’obligatoire quand tu travailles dans ce type de service.
Et pourtant, même encore aujourd’hui, il y a certaines situations où des résurgences ont tendance à pointer le bout de leur nez.
Vive la supervision!! 🙂
Salut Christophe
Merci pour cet article qui nous invite à réfléchir à la demande du Coaché.
Tu m’as fait rire avec le niveau de désir d’engagement, effectivement ce n’est pas le 1er facteur qui pousse généralement une personne à demander un coaching.
J’aime bien demander en 1er entretien « pourquoi maintenant ? », c’est éclairant sur le déclencheur et la motivation.
Bien comprendre la demande du Coaché c’est être ce chauffeur de taxi dont parle Robert Dilts 😉 ce chauffeur qui fait « je vous emmène où? »
Après, vérifier le besoin comme tu dis, et voir aussi dans tout cela quelles sont les attentes vis à vis du coach.
Tout un programme pour agir juste !
A bientôt
Merci à toi Karine pour ton retour.
J’avais oublié cette excellente image du chauffeur de taxi.
Le 1er entretien est effectivement crucial pour écouter la demande. Mais pour rejoindre l’idée de mon billet, le cap de l’action de la demande est alors déjà passée. Et en même temps, ce n’est pas toujours gagné…
Pour l’anecdote, j’ai eu un jour une personne qui a pris un 1er RDV.
Quand je lui ai demandé ses attentes vis à vis de moi et le « pourquoi maintenant », voici la réponse:
« Ben, j’ai déjà un coach sportif, alors je me suis dis, pourquoi pas un coach professionnel? »
C’est sûr…
Bonjour Christophe
Je viens de lire ce commentaire, et je comprends qu’entre la chute et l’atterrissage il y a peut-être des branches 🙂 ; j’ai pu m’identifier et je suis entièrement d’accord par expérience que la volonté et la prise de conscience est un premier facteur pour accepter de l’aide. L’aide à l’extérieure de l’entreprise il faut aller la chercher dans les échanges et le partage des situations vécues. Bien souvent on s’aperçoit que la prise de recul est un facteur essentiel pour pouvoir dans un premier temps observer la chute…
Ensuite c’est un travail sur soi qui est loin d’être évident, mais le tout est de le commencer et changer son regard sur ce qui nous entoure afin que le triangle devienne constructif. Observer le problème avec bienveillance et instaurer un climat de confiance, c’est un vrai travail ! Le facteur temps rentre en ligne de compte ainsi que la communication.
Sans s’en rendre compte on devient coach, jusqu’à ce que l’équilibre dans la relation soit revenu à une situation « normale »
Merci pour ce partage !
Bonjour Chrystelle et merci pour votre commentaire.
Je rejoins complètement vos pensées concernant les échanges et le partage des situations vécues à l’extérieur de l’entreprise.
Il n’y a qu’à observer l’engouement pour les groupes de co-vision ou de co-développement qui connaissent de plus en plus de succès auprès des professionnels de tous secteurs.
Voilà un excellent article et j’adhère à son propos.
Maintenant, le titre m’a « choqué », je trouve le raccourci un peu provocateur…Il est clair pour moi que s’il n’y a pas de demande, je n’ai pas à accompagner mon client…mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème…pour moi, ça veut simplement dire que sa créativité l’a emmené sur d’autres chemins de résolutions…ou que son absence de créativité le pousse à la résignation…
Hormis cette réflexion liée plus à ma sensibilité aux mots qu’au contenu de l’article, je trouve cette intervention très pragmatique et très professionnelle. Merci
Bonsoir Christophe,
Merci pour ton retour.
Je t’avoue que la première fois que j’ai entendu cette expression, elle m’a choqué aussi. Après en avoir discuté avec son émetteur, j’en ai compris le sens.
L’idée maîtresse est la suivante :
– tant qu’une personne parvient encore à « faire avec » sa problématique, c’est qu’elle n’est pas encore prête à générer du changement dans le contexte d’où vient cette problématique. Elle n’a donc aucune raison valable (pour elle) de faire une demande d’accompagnement.
Ce billet et le suivant sont le fruit de ma réflexion pour décortiquer un peu le truc.
A bientôt
oui, je reste sur ma faim et je trouve le billet 2 de suite où ?
merci pour la justesse d’analyse à chaque fois avec les pistes différentes possible ….
Bonjour Orchidée
Merci de votre retour.
La deuxième partie du billet est ici : https://leblogdesrapportshumains.fr/pas-de-demande-pas-de-probleme-part-22/
Bonne lecture 😉
et je complète en disant aussi, il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions…