Les spécimens de la communication non efficace sont loin d’être en voie d’extinction. Récemment, je suis tombé sur une nouvelle espèce très intéressante, à mi-chemin du coupeur de parole (Gilette Mac Comm’ pour les connaisseurs) et de l’expert en tsunami verbal autrement appelé Tsunabal. L’originalité de cette nouvelle famille d’anti-communicants réside dans leur capacité extraordinaire à monologuer tout en donnant l’illusion de dialoguer. Décryptage dans ce billet.
Approche mesurée
Étant donné que la caractéristique principale de mon interlocuteur est la transformation magique d’un dialogue en un monologue, je l’appellerai ici Merlogue 🙂
J’ai croisé Merlogue au détour des boites aux lettres de mon lotissement. N’étant pas avare de petites conversations, j’entamai le truc avec un joyeux “bonjour” couplé d’un sourire ultra-bright digne des feux de l’amour.
Le résultat fut instantané et Merlogue me rendit la pareille avec une lueur naissante dans ses yeux. Pas d’interprétation sauvage sur cette lueur, mais avec le recul, je pense qu’elle ne s’est pas allumée pour rien…
Donc, nous voilà en lien. Le contenant fut établi et le contenu pouvait débarquer.
C’est Merlogue qui annonça la couleur. Il s’agissait d’une histoire de nuisances dans la résidence liées à des odeurs pas très glamours, dont les conséquences en terme de bon voisinage laissaient penser qu’une petite révolution se préparait pour le prochain conseil syndical.
Bref, des trucs de la vie quotidienne et des joies incontournables de la copropriété. D’ailleurs, en terme de rapports humains et de communication, il y aurait tout un dossier à écrire sur les réunions de copropriétés. Mais bon, ce n’est pas à l’ordre du jour.
Le sujet de ce que je pensais (naïvement) être une petite conversation était donc posé et, somme toute, intéressant, car impliquant pour ma part aussi.
Perturbation en vol
Devant le sujet lancé par Merlogue, je me suis mis en mode “on est dans la même galère” et commençait à lui demander son point de vue.
La première fois, je n’ai pas vu le truc venir. J’ai donc écouté le retour de mon interlocuteur et rebondi sur ce qu’il disait. Nous étions alors dans le schéma classique d’une communication; un message de A vers B, puis un feed-back de B vers A sur le message initial.
C’est rapidement, peut-être en quelques secondes, que je me suis aperçu que les choses allaient être un peu plus compliquées que ça.
En effet, je me suis rendu compte qu’à chaque fois que Merlogue me laissait la parole pour lui répondre, il avait déjà autre chose en tête, prêt à poser, là, dans notre champ relationnel et qui n’avait rien à voir avec ma réponse.
En fait nous sommes entrés dans une configuration où il n’existait que les messages de A vers B (de lui vers moi) et où les feed-back de B vers A (de moi vers lui) se perdaient dans les limbes d’une dimension parallèle.
C’est là où, vu de l’extérieur, Merlogue est très fort. En effet, il n’agit ni comme Gilette Mac Comm’ en coupant la parole à tout va, ni comme Tsunabal en submergeant l’interlocuteur d’un flot incessant de mots. Non, Merlogue a le pouvoir de canaliser le flux de conversation sur une unique voie, la sienne.
Énorme le truc. Enoooorme !
Crash à l’appontage
Complètement subjugué face à ce nouveau spécimen que je venais de découvrir, je suis sorti de mon mode “copropriétaire engagé” (et peut-être un peu enragé…) pour me placer en observateur curieux et stupéfait d’un tel phénomène d’anti-communication.
Le scénario a duré encore quelques minutes et, ne voyant pas comment je pouvais modifier le sens de cette non-conversation, je prétextais un impératif horaire à respecter pour sortir de cette expérience peu commune, mais O combien intéressante.
La preuve, elle m’a permis de partager ce billet avec vous 😉
hahaha! je ris en repensant à une ex-collègue dont certains disaient : « elle n’écoute que ce qu’elle dit » et malheureusement , c’était vrai et j’ai retrouvé cette particularité chez nombre d’interlocuteurs!…
Bonjour Christophe,
De coach à coach : ici, pour le coup, le « TISSER DU LIEN » du coaching n’a plus le même sens. -LOL-
Merci pour les fous rire, je le garde dans « ma boîte à rire ».
Béatrice DEFAYS
Coach HUMANISTE
Bien agréable cette lecture ! merci 🙂
nous en rencontrons souvent des merlogues: ils vous accrochent pour parler ….. d’eux. et donc à chaque fois que vous allez répondre, ils vont parler… d’eux. C’est marrant, enfin moi ça me fait rigoler, car je ne me laisse plus alpaguer par ce genre de personnes et si je peux mettre en garde je le fais toujours. En général je ne me trompe pas. Ce sont des personnes à éviter.
Merci Christophe,
Merci à toi Josyane pour ton retour.
En fait, je pense que la catégorie d’anti-communiquant dont tu parles sont cousins des Merlogues.
Ces derniers ne parlent pas forcément d’eux, mais uniquement de leurs propres idées sur le sujet initial de la conversation.
D’ailleurs, tu m’as donné une belle idée pour un prochain billet 😉
A bientôt
Il n ‘y a rien de plus inconfortable de se retrouver prisonnier dans une conversation monologue souvent de moindre intérêt. le fait de s’autoriser à « regarder » la dite conversation et ne pas seulement « l’entendre » offre un panorama très intéressant. on se rend compte que l’autre nous oblige à recevoir, non pas sa parole, mais sa demande de lien. L’autre nous place en tant qu’objet de cet échange et non plus en tant que communiquant. Notre avis ne lui compte guerre car l’essentiel de son attention réside en partie dans le fait de nous kidnapper pour déverser sa solitude.
Honnêtement, j’ai rarement le courage de m’enfuir même si mon envie est pressante. C’est peut être mon empathie débordante (autre billet)qui me fait encore défaut…mdr!
merci pour vos sujets qui sont de délicieuses friandises..
Merci à vous pour votre retour encourageant… et votre partage 🙂
Bonjour, partager, c’est pas tout de partager, l’écoute de l’autre c’est bien mieux. Certaines personnes se disent coachs, parce qu’elles ont lu des livres, se permettent de soi-disant accompagner, accompagner qui, accompagner quoi, s’accompagner elles-mêmes, accompagner leurs souffrances face à des personnes perdues qui le sont encore plus face à des coachs inaptes, qui les envahissent de leurs mots, des coachs qui aiment qu’on leur disent amen, être caressés dans le sens du poil, encore des dégâts, toujours des dégâts…etc
Bonjour Fabienne
Merci pour votre … partage 🙂
Vous avez parfaitement raison, il y a des personnes qui se disent coachs de manière très abusive. C’est triste et parfois dangereux.
Mais ce phénomène tend à se raréfier compte tenu du travail important que font les fédérations professionnelles pour la reconnaissance du métier. Les formations (sérieuses), la supervision, la pratique continue, les certifications indépendantes sont autant d’éléments pouvant apporter un peu de structure dans un métier jeune aux contours parfois flous.
Quoi qu’il en soit, je reste convaincu que les choses avancent dans le bon sens. Pour autant, le contenu de votre commentaire montre de façon intéressante qu’il reste encore du chemin 🙂
A bientôt