Qu’est-ce qu’un préjugé ? Il s’agit d’une croyance, d’une opinion préconçue adoptée sans examen ou imposée par le milieu, l’éducation, l’époque. Je vais partager avec vous cette semaine un récit relatant l’évolution de la relation entre une infirmière d’origine algérienne et une de ses patientes ayant des préjugés ethniques bien chevillés au corps.

 

Le préjugé, matière première toxique pour la relation

L’infirmière dont il est question ici, appelons-la Fatiha, remplaçait définitivement l’une de ses collègues partie dans une autre région. La patiente, appelons-la Pimprenelle, sachant que la nouvelle venue était d’origine maghrébine, accueillit l’annonce avec autant d’enthousiasme qu’un condamné à perpet. à l’issue de son procès. Bref, c’était pas gagné d’avance.

Les premiers jours furent pour le moins pénibles pour Fatiha. Pimprenelle ne manquait pas la moindre occasion de montrer ouvertement ses opinions politiques et idéologiques. Sans forcément être agressive ou véhémente, elle diffusait par petite dose ce que je qualifie de poison toxique. L’objectif était clairement de mettre son infirmière dans une posture très inconfortable. Si je me réfère au triangle dramatique de Karpman, Pimprenelle a pris un aller simple sans escale pour la posture du persécuteur.

Concernant ces différentes postures au sein de la relation soignant/soigné, je vous invite à lire sur ce blog la triade : “Infirmière sauve qui peut

L’issue d’un tel jeu psychologique pourrait se résumer comme suit :

  • Soit Fatiha entre dans le jeu, se laisse piéger et endosse le rôle de victime, avec tout le lot de conséquences liées à cette posture (plaintes, stress, culpabilisation, insécurité, repli sur soi, etc.). Et ce qui lui pendrait alors au nez, serait de basculer à son tour dans le rôle du persécuteur, une fois que la coupe est pleine. Événement plaçant instantanément Pimprenelle dans le rôle de victime.
    (Si vous vous demandez qui aurait pu jouer le rôle du sauveur, mais s’est bien gardé de le faire, je vous laisse deviner 🙂 )
  • Soit elle n’entre pas dans ce jeu en adoptant une posture neutre et distancée de la situation. Les conséquences en seraient alors plus supportables bien que probablement teintées d’une lassitude professionnelle à la longue.

La 3ème voie

Savez-vous ce que signifie le prénom Fatiha ? “Qui ouvre toutes les portes”. Et bien, je peux vous dire qu’elle porte bien son nom cette infirmière.

En effet, Fatiha a opté pour une troisième voie. Celle de la qualité relationnelle. Son comportement, sa communication, sa posture, sa façon de créer le rapport lorsqu’elle donne les soins à Pimprenelle, tout était focalisé sur un seul objectif : créer un lien relationnel sain et dénué de jeu psychologique.

La tâche ne fut pas aisée. Pimprenelle ayant construit ces fameux préjugés depuis des dizaines d’années, elle ne pouvait pas remettre tout ce système de croyances à l’envers en deux temps trois mouvements.
Ainsi, l’une des premières ressources dont a fait appel Fatiha fut la patience. Les autres n’ont pas tardé à suivre et, pêle-mêle, nous retrouvons tous les fondamentaux de la qualité relationnelle :

La fin des préjugés ?

Pas si sûr. En effet, bien qu’aujourd’hui Pimprenelle ne jure que par son infirmière Fatiha avec laquelle “on rigole, on plaisante et oui, elle vraiment très gentille”, vous vous doutez bien que cela ne modifie pas en profondeur les représentations ancrées dans la tête de la patiente.

Dans ce type de situation, l’humilité est de mise et s’il y a un point positif à retirer de cette expérience, c’est que la relation que Fatiha a su créer avec Pimprenelle lui aura permis de travailler dans les meilleures conditions  possibles pour elle comme pour la qualité de la prise en charge de sa patiente.

Dans ce contexte, j’ai envie de dire … c’est déjà pas mal.