C’est l’histoire d’une jolie montagne. Splendide, majestueuse, si belle qu’elle était devenue au fil du temps un symbole mondial pour tout le peuple humain. Cette montagne, appelons-la Wûh (prononcez VOU), regorgeait de mille et un trésors qu’elle développa tout au long de sa longue et paisible vie. Autant de ressources naturelles qu’elle était fière de partager avec ses voisins humains de la vallée et des contrées alentours.

Nombre de ces humains vantaient ses mérites et ses qualités dont ils bénéficiaient dès qu’ils étaient à son contact. Réconfort, apaisement, source d’inspiration, ressourcement, bouffée d’oxygène, ils avaient même parfois l’impression que Wûh leur parlait quand ils avaient besoin d’elle. Wûh et les Hommes vivaient en parfaite harmonie. Elle aimait profondément les humains avec leur force et leur fragilité.

Une des grandes attraction de Wûh était sa parfaite configuration pour s’adonner aux joies de l’escalade et de l’alpinisme. Elle offrait généreusement de nombreuses voies d’accès ou de multiples prises facilitant la progression des grimpeurs vers son sommet. Ces derniers en avaient fait leur lieu d’entraînement favori et le bouche à oreille fonctionnant bien, de plus en plus d’adeptes de l’escalade venaient s’y exercer.

Avec le temps, Wûh s’aperçut que les Hommes qui venaient à son contact pour s’entraîner à l’escalade ou simplement se ressourcer étaient de moins en moins respectueux de son écologie. Ils la salissaient en laissant derrière eux quantité de déchets qu’elle ne pouvait pas absorber dans sa terre, arrachaient de plus en plus souvent des fleurs et autres plantes qu’elle avait mis des années à concevoir. Le pire étant que ceux qui étaient parvenus à son sommet ne lui témoignaient aucune marque de reconnaissance. Ils se sentaient tout puissant de l’avoir « conquis », d’être parvenu à leur fin.

Wûh souffrait de plus en plus de cette situation. Et ce malaise qu’elle ressentait au plus profond de ses entrailles grandissait avec l’accroissement du nombre de ces humains qui ne cessaient de la tourmenter. Elle était partagée entre un sentiment de colère et de tristesse. Elle qui avait un profond respect pour ce peuple soit disant intelligent constatait avec le temps qu’il profitait d’elle et détruisait ses ressources naturelles. Elle ne leur demandait pourtant pas grand chose, juste qu’il respecte son écologie.

Wûh décida alors de demander de l’aide à celle qui fut son amie de toujours: Dame Nature

– « Nâty (c’était son surnom), j’ai besoin de ta sagesse. Comment me sortir de cette impasse? Les humains que j’apprécie tant sont en train de m’épuiser à force de m’envahir comme ils le font et surtout sans respecter mes besoins de repos et d’intégrité. De plus, ils dégradent mon environnement en laissant derrière eux ce dont ils n’ont plus besoin. Je ne sais plus quoi faire. »

« Je vois que tu es contrariée par cette situation ma chère Wûh. J’ai une question à te poser: comment ces humains font-ils pour parvenir jusqu’à ton sommet? » demanda Dame Nature.

-« Ils escaladent mes parois. »

-« Et comment font-ils pour escalader tes parois? »

-« Et bien je leur offre des prises, des creux, des bosses ou des failles auxquels ils peuvent s’accrocher et progresser dans leur ascension. Il arrive même qu’ils plantent un pic dans une de mes failles afin de s’assurer d’avoir un contrôle totale sur moi ». répondit Wûh

-« Que te reste-t-il alors à faire si tu souhaites préserver ton écologie et ne plus subir ce dont tu m’as fait part plus tôt? » interrogea l’amie.

« Je n’en sais rien… Peut-être arrondir les angles de mes prises, combler mes failles ou offrir moins de creux où s’accrocher? De cette façon, lorsqu’ils tenteront d’escalader mes parois ou  planter un pic dans une de mes failles, il s’apercevront qu’il est difficile de m’atteindre.”

-« C’est une option, en effet. »

-« Mais je ne veux pas devenir inaccessible et sans relief non plus Nâty. Tu me connais, j’aime la vie et ne la conçois pas sans partager mes ressources avec le peuple humain que j’aime depuis toujours. »

-« Bien entendue ma chère Wûh. Il n’a jamais été question de changer fondamentalement qui tu es. Simplement, comme tu l’as suggéré, d’aplanir certaines prises ou combler quelques failles par petites touches. Il suffit parfois de peu pour que quelqu’un ne puisse plus s’accrocher là où il pouvait le faire auparavant. C’est à toi de montrer tes limites et pas à eux de les malmener sans cesse. Tu t’apercevras vite que les humains qui te respectent sauront comment faire avec toi pour préserver ton intégrité et ton écologie. De plus, il y a un élément qui demeure essentiel dans cette histoire… »

-« Ah bon? Lequel? » interrogea la montagne.

-« Ta richesse intérieure, Wûh. Tu as les plus belles cavernes, les plus beaux lacs sous-terrains, les plus belles cascades, sans parler de tous les métaux précieux et pierres étincelantes que tu fabriques sans t’en apercevoir. Peut-être que cultiver et entretenir ces richesses intérieures t’aideront à atteindre ton but? »

-”Oui. Merci de me l’avoir rappelé Nâty. Je vais mettre tout cela en pratique dès maintenant” conclut Wûh.

Et c’est ainsi que Wûh commença à  aplanir certaines prises trop facile d’accès, à combler ses failles et ses creux. Elle se fit bien sûr aider pour cela. D’autres amis tels que Terre, Eau et Vent l’aidèrent dans cette tâche qui fut longue, pas toujours très amusante mais qui procurait à Wûh un sentiment de bien-être qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps.

Dans le même temps, elle cultiva ses jardins intérieurs et développa toutes les ressources dont elle disposait au plus profond d’elle-même. Elle prit d’ailleurs beaucoup de plaisir à agrandir ses lacs intérieurs, faire entrer la lumière du soleil dans les zones d’ombres, polir les métaux précieux ou créer des connexions entre toutes ses galeries souterraines.

Aujourd’hui, Wûh a retrouver sa sérénité et son équilibre. Elle vit toujours au contact des humains, mais ceux-ci sont devenus beaucoup plus respectueux de son écologie. Certains s’adonnent même aux joies de l’escalade en empruntant les voies d’accès que Wûh a volontairement laissées ouvertes pour continuer à partager des moments de bonheur et d’épanouissement avec eux. Wûh est plus belle que jamais et ses amis Dame Nature, Vent, Eau et Terre disent même qu’elle pourrait être la 8ème merveille du monde. Mais ça, c’est une autre histoire…

Christophe Peiffer
[Le blog des rapports humains]

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