Voici la suite du billet de la semaine passée concernant les différentes tournures que peut prendre la fameuse “relation soignant / soigné”. Je vais tenter de mettre à jour aujourd’hui deux formes de relations dans lesquelles peuvent s’inscrire l’infirmière et son patient.
Petit rappel des faits
Dans leur métier, les infirmières sont satisfaites prioritairement par les contacts et les relations humaines qu’elles peuvent développer auprès de leurs patients. Et en même temps, les difficultés inhérentes à l’accompagnement de l’humain face à la maladie conduisent certaines d’entre elles à éprouver des difficultés, voire de la souffrance physique et/ou psychologique.
C’est ce paradoxe qui peut être à l’origine de certaines blessures et mal-être au travail.
En outre, il existe des rôles relationnels, le sauveur, la victime et le persécuteur. La relation infirmière / patient s’inscrit naturellement, selon la nature des personnes et à des degrés divers dans ce triangle composé par ces trois rôles ; c’est le triangle de Karpman.
Voyons maintenant les deux premiers cas de figures:
- Le patient et l’infirmière sont dans leurs conditions respectives à l’instant du soin et en sont conscients (ou pas). Aucun jeu relationnel n’est mis en place. Ce qui n’empêche pas, bien entendu, d’avoir une posture relationnelle empathique et bienveillante de la part de l’infirmière et une attitude sociable et engageante de la part du patient. La relation peut alors s’épanouir en dehors du triangle dramatique (l’autre nom du triangle de Karpman). Le patient se sent bien pris en charge et l’infirmière se sent bien lorsqu’elle est en soin avec ce patient. Les échanges sont sincères, intéressants et la communication est fluide. Les ressentis sont positifs dans les deux cas. D’un côté comme de l’autre, la confiance s’installe.
- Le patient se positionne relationnellement en tant que victime, et l’infirmière reste la même dans sa posture relationnelle empathique et bienveillante. A moyen terme, c’est une position assez inconfortable pour l’infirmière car elle est soumise à une pression relationnelle qui se résumerait à:
“J’ai besoin d’être sauvé et vous êtes la seule qui peut faire ça”.
Le risque de cette situation se situe dans l’existence de la troisième position du triangle, que, celle du persécuteur (ou bourreau).
En effet, l’infirmière, n’entrant pas dans le jeu relationnel du patient, donc n’accédant pas à toutes ses demandes, pourrait devenir aux yeux de celui-ci, “la méchante”, “celle qui refuse tout”.
La difficulté pour elle se situe alors dans sa capacité à maintenir sa posture de départ et ne pas tomber dans le piège en endossant (involontairement) le rôle du persécuteur, par exemple en s’énervant ou simplement en sortant de sa posture bienveillante et empathique de départ, face aux reproches du patient. Reproches pouvant prendre la forme suivante :
“Et bien, vous n’êtes pas sympa!” ou
“Je demanderai à votre collègue. Elle au moins, elle me dira oui.”
En agissant de la sorte, elle validerait, confirmerait et renforcerait le jeu de son patient :
“Je savais bien qu’elle n’était pas sympa cette infirmière”.
Mais nous pourrions aller encore plus loin dans le cas où l’infirmière répond à ce type de reproches par une autre formule, la justification du type :
“Non mais ce n’est pas de ma faute, c’est parce que bla bla bla”.
Elle tomberait alors dans la posture de victime (à la place de son patient) et ce dernier endosserait le rôle du persécuteur!!
Argh, c’est un truc de fou!!!! Bref, c’est la cata relationnelle (ou le caca, comme vous voulez 🙂 ).
Je précise ici que tous ces jeux relationnels sont menés de façon inconsciente et qu’il n’y peut y avoir « jeu relationnel » que dans les cas où les deux acteurs jouent leur rôle.
De plus, le rôle qui s’exprime le plus fort, donnera le ton de la relation. Ainsi, dans le cas présent, si l’infirmière tient sa posture de départ, le « non-rôle » empêchera son patient d’en jouer un.
Nous verrons les deux derniers cas de figures la semaine prochaine. Le dernier est le plus croustillant. C’est l’apothéose, le paroxysme du jeu relationnel et le summum de la situation qui va immanquablement partir en vrille.
Je me souviens lorsque je travaillais en psychiatrie, il existait une réunion hebdomadaire « soignant/soigné », je l’avais oublié, c’est le terme soignant/soigné qui me l’a remis en mémoire. Les sujets tournaient autour de la vie institutionnelle : les portes fermés/ouvertes, les contraintes, les repas, ou un évènement marquant la vie institutionnelle.
On parlait aussi du « pécule », cette petite somme d’argent donnée au patient qui participe aux taches collectives comme mettre la table ou passer un coup de balai (n’a plus cours depuis la fin des années 80).
Je me souviens aussi qu’à l’hôpital, tout le monde veut sauver tout le monde de la lingère psychologue à l’association caritative du coin en passant par l’as « pause café » et le médecin « sans frontière » : pas toujours facile pour une infirmière d’exister au milieu de tout ça.
Merci Anna pour ton commentaire.
Je suis content de voir qu’une collègue de psy s’intéresse à mon blog 🙂
A bientôt