Partager la publication "4 idées reçues (et recadrées) sur les personnes âgées"
Ma première vie professionnelle en tant qu’infirmier m’a fait côtoyer pendant quelques années des personnes de 80 ans et plus. D’ailleurs, à quel moment peut-on dire que commence la vieillesse? Quand on voit que l’appellation « sénior » commence à 50 ans et que l’espérance de vie s’allonge de plus en plus, il y a de quoi en perdre son latin.
La vieillesse et les vieux (non, ce n’est pas péjoratif ni un gros mot!) sont des mystères pour celui ou celle qui ne les connait pas (encore) et qui peuvent être déroutants par certains aspects. Je vais partager avec vous aujourd’hui quelques idées reçues entendues ici et là sur les personnes âgées et tenter de vous les montrer sous un nouvel angle. N’oublions pas que les rapports humains n’ont pas d’âge et qu’il n’est jamais trop tard pour instaurer de la qualité relationnelle avec nos anciens.
Idée reçue n° 1: Les vieux sont aigris
La base des idées reçues. Y-a-t-il seulement une étude sérieuse qui aurait recensée qu’un pourcentage des plus de 80 ans est significativement plus aigri que la moyenne? Et puis c’est quoi être »aigri »? Si c’est râler à tout va, ne jamais être content de rien, avoir une mine renfrognée ou se fixer sur le côté obscure de la force, je ne pense pas que cette caractéristique soit l’apanage des plus vieux; je connais quantité de personnes plus jeunes dont le comportement est clairement emprunt de toutes ces réjouissances.
Alors peut-être que ce qui dérange certains, c’est qu’ils osent dire tout haut ce que beaucoup de jeunes pensent tout bas. La timidité ne semble pas résister au poids des années et nos vieux sont peut-être tout simplement désinhibés?
Le contre-exemple: D. 94 ans, à moitié aveugle, à moitié sourd, à moitié paralysé suite à un AVC, ne passe pas une journée sans avoir au moins un fou rire, sans m’avoir raconté une histoire drôle entendue (comme il a pu) à la radio, sans remercier la vie de ne pas lui avoir enlevé son autre œil, son autre oreille et la partie de son corps qui fonctionne encore bien.
Idée reçue n° 2: Les vieux sont ramollis du cerveau
Il est incontestable, médicalement parlant, que certaines fonctions cognitives s’amenuisent avec l’âge. Certaines pathologies dégénératives apparaissent effectivement au cours de cette période avancée de la vie. Pour autant, hormis ce contexte médical, lorsque j’observe le comportement de certains supporters de foot ou certaines répliques de candidats d’émissions de téléréalité, j’ai de quoi m’interroger sur la capacité de réflexion et d’analyse de ces jeunes gens soit disant dans la force de l’âge. Un vieux a peut-être perdu certaines capacités cognitives, mais nous pouvons légitimement nous demander si les individus précédemment cités en ont déjà possédé quelques-unes?
Le cerveau est une formidable machine qui ne demande qu’à fonctionner au mieux de ses possibilités tout au long de la vie de son propriétaire. Il n’est plus à prouver que le meilleur moyen de le maintenir en bon état de fonctionnement est tout simplement de le stimuler quotidiennement.
Le contre-exemple: Je vous propose de visionner ce diaporama dans lequel la neurologue italienne Rita Levi-Montalcini, prix Nobel de médecine en 1986, nous explique comment à l’aube de ses 100 ans (en 2009) elle est autant passionnée qu’à ses 20 ans.
Idée reçue n° 3: Les vieux sont bourrés d’habitudes
Si cette idée reçue peut être factuelle, elle sonne un peu de façon péjorative, n’est-ce pas? En fait, je n’ai pas fini volontairement le libellé de cette idée. Il faut rajouter « agaçantes ». Oui, le vieux possède tout un tas de rituels, de manies, d’habitudes qu’il a développés depuis de longues années.
Alors agaçantes OK, mais pour qui?
Probablement pour celui ou celle qui le côtoie et qui doit s’en accommoder. Car entendons-nous bien, il est bien plus facile de s’accommoder de quelques manies de l’ancien que l’on côtoie que vouloir lui faire changer des habitudes ancrées depuis des années. Pour rappel, un ancrage est un stimulus qui déclenche un état interne (positif ou négatif). Ici, considérons que toutes les petites manies et rituels des personnes âgées sont autant de petits stimuli (d’ancrages) pour se sentir apaisées, sécurisées, rassurées au sein de leur environnement. Changez une habitude chez un vieux et vous ne serez qu’à un pas de tomber dans l’idée reçue n° 1.
Le contre exemple: En étant un minimum objectif pendant deux minutes, prenez une feuille et dressez une liste de tout ce qui pourrait vous déplaire dans le changement de quelques paramètres récurrents de votre quotidien. Du lever au coucher, vous seriez surpris de voir le nombre d’habitudes dans lesquelles vous vous sentez comme un poisson dans l’eau.
Idée reçue n°4: Les vieux retombent en enfance
Alors celle-là, c’est celle qui m’horripile le plus!
J’ai entendu et vu à de multiples reprises des professionnels de santé et d’autres individus s’adresser à des personnes âgées comme si elles avaient 5 ans. Et il n’y avait rien d’attendrissant dans ce comportement. Même si certains de nos anciens n’ont plus toutes leurs facultés intellectuelles, en quoi le fait de leur parler d’une façon débile est-il justifié? Pour mieux se faire comprendre? Foutaise!!! Le côté impersonnel et déshumanisé de ce style d’expression est clairement injustifiable.
« Alors, ON a bien dormi?« , « Allez, ON prend les médicaments« . Le « ON » est ce qu’il y a de pire dans la réduction de l’identité d’une personne à son expression la plus sommaire. Elle n’existe plus en tant qu’individu à part entière mais en tant qu’objet indéfini noyé dans une masse de population aux caractéristiques pseudo-identiques pour celui ou celle qui emploie ce genre d’expression dénaturée.
Les vieux sont avant tout des êtres humains (wouah le scoop!) qui ont l’âge inscrit sur leurs papiers d’identités. S’il n’y avait qu’une forme d’expression à employer pour leur parler, et même si leurs fonctions cognitives sont amoindries, ce serait celle du respect inconditionnel. Je n’ai jamais compris les « Mamie » ou « Papi » quand il n’y a aucun lien de parenté et encore moins le « Tu » qui soit-disant est une marque de tendresse ou de proximité.
Le contre-exemple: Si un jour vous entendez quelqu’un parler à une personne âgée comme à un gamin en bas âge, testez le même ton en lui demandant quelque chose de basique comme l’heure par exemple. Recadrage garanti sur facture.
Voilà pour ces quelques idées reçues sur nos vieux. Il y en a malheureusement quantité d’autres, mais celles que j’ai développées ici sont parmi les plus communes.
Alors oui, nos vieux sont vieux, mais n’oublions jamais que le vieux d’aujourd’hui a été le jeune d’hier et que ce qu’il est aujourd’hui, nous le serons demain.
A la semaine prochaine.
Ce compte-rendu mérite bien un commentaire car il est très intéressant.
Chez nous,on appelle « vieux » ou « vieille » les personnes qui ne sont plus capables d’accomplir les fonctions qu’un jeune remplit,comme par exemple :marcher,travailler,relations sexuelles,etc.Maintenant,si un vieux remplit ces « fonctions »,il n’est plus considéré comme « vieux »…
Merci Tahar (est-ce bien votre prénom?) de votre commentaire.
Voilà un bel exemple qui caractérise les anciens d’une façon différente. Où se trouve votre « chez vous »?
Quoi qu’il en soit l’idée que je souhaite transmettre ici est que nos ainées sont bien plus que leurs comportements au même titre que quiconque.
J’ai décidément votre style Christophe. À ce billent, j’ajouterai qu’à l’aube du grand âge (sic. j’ai 63 ans), je suis l’incarnation du fait qu’on vieillit comme on a vécu.
1) J’ai mes aigreurs, celles que j’ai toujours eues, et que j’aurai jusqu’à ma mort, face à l’injustice, le mépris, l’insignifiance et l’ignorance… surtout l’insignifiance.
2) Je remarque que mon cerveau fonctionne différemment qu’à 20, 35 ou 50 ans. La matière grise en question maîtrise de mieux en mieux la pensée circulaire et la capacité de faire des liens qui la caractérise. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. J’oublie sans arrêt toutes sortes de petites choses qui ne sont pas graves en soi (votre nom par exemple). Ce cerveau-là apprend à tous les jours à se débarrasser des données inutiles (il y en a tellement). Mais vous n’avez même pas idée de sa capacité à structurer, chercher et trouver (j’y ai consacré ma vie et ça continue). Toutefois… je ne crois pas en Dieu mais fasse qu’il me préserve de la maladie d’Alzheimer.
3) Comme je me tue à le dire à mes clients en conseil de carrière : La routine est une bénédiction. La routine et les petites habitudes de vie c’est la partie rassurante du travail et de la vie en général. Qu’est-ce que c’est que cette « idée reçue » qu’il faille sans cesse réinventer sa vie et ce, à tous les jours ?
4) … oui assister à une scène où l’on s’adresse à un Vieux comme s’il était un demeuré ne possédant que 100 mots de vocabulaire, est l’une des choses qui contribuent à l’aigrissement de mon âme. J’attends l’autobus de temps en temps devant la porte d’une résidence de personnes âgées et malades. Et je fusille du regard tout préposé qui s’adonne à cette pratique abusive. Car il s’agit bien d’abus : la personne âgée et malade est prisonnière de l’environnement qui l’héberge et de ses geôliers.
Salut à toi Christophe et A+
Suzanne, ton éclairage supplémentaire sur ce thème apporte profondeur et émotion à ce billet.
Pour ça et pour tout le reste… MERCI.
J’ai eu la chance de côtoyer beaucoup de gens très très mûrs et qu’a leur regard, ils avaient toutes et tous quelque chose de gentil et positif à transmettre. Les personnes mûres sont des encyclopédies vivantes alors autant le lire, les consulter car chaque moment passé ensemble est un puissant enrichissement humain.
Bonjour à tous,
Merci Christophe pour ce billet, ça fait pas de mal de recadrer les choses dans ce domaine. Les idées reçues sont la porte ouverte à tout les abus, les personnes agées sont grandes, fortes, magnifiques : respect ! La vieillesse, c’est les autres.
A bientôt,
Anna
Merci Anna pour ton commentaire.
Tu as raison sur les abus que peuvent entrainer les idées reçues. Nous ne serons jamais assez trop pour revendiquer ce qui devrait être naturel: le respect.
Comment peut-on intervenir et aider ces personnes?
Etant certifiée en coaching de vie je souhaiterais mettre en place un accès d’aide pour ces personnes, ainsi qu’une formation d’échanges basée sur l’intelligence collective ( co-développement) pour les personnels soignants.et leurs managers; l’éternelle réponse des « directeurs » est négative, ce qui me surprend sachant que les psychologues ont rarement le temps de voir leurs patients?
Alors si vous avez une piste, une idée, je suis intéressée. merci!!
Bonjour Michelle,
Merci pour votre questionnement
Il existe des associations qui déplacent des intervenants au domicile des personnes âgées. Peut-être pourriez-vous vous rapprocher d’elles?
Concernant le personnel soignant, je suis rassuré de voir que nous sommes face aux mêmes réticences. En y réfléchissant un peu, j’ai pu constater que les soignants sont la plupart du temps dans une posture de « don ». Et il peut s’avérer difficile pour beaucoup d’entre eux de se positionner en tant que « receveur ». Il doit y avoir sûrement d’autres explications à ces réticences mais j’avoue avoir un peu de mal à les identifier.
A bientôt
Rien de plus débile que de ne pas se sentir concerné.
Travaillant en tant que fournisseur pour divers hôpitaux ou maisons de retraites , je vois des choses intelligentes et d autres absurdes..selon moi.
Et c est pas très rassurant.
Ou et comment serais-je soigner plus tard?
Ce fameux « on » me rappelle les dessins réalisés par nos anciens (qu’on a tous vu au moins une fois , affichés dans les couloirs) .
Ils sont parfois comparables à ceux de la classe de ma petite de 5 ans que je visualise aussi lorsque je l’emmène en classe de cp. Je trouve ça ridiculisant!
Le travail est peut être objectif , mais le rendu ne l’ est pas.
Par contre ,ailleurs , je peux Féliciter cette animatrice qui tentait de créer un débat sur un sujet quelconque du moment . Les interactions entre patients étaient vraiment intéressantes .
Ou encore , ce thème : Résumer et afficher la rétrospection de sa vie, à lire sur les murs de cet hôpital dans le 38., c était vraiment enrichissant sur les vraies valeurs ..
Ceci dit , il y a malgré les différentes méthodes une chose qui me fait vraiment peur , c’ est le manque de moyens financier et humains dans ce domaine.. et la , difficile de contrer , les conséquences sont énormes.(Ma femme est Aide-soignante dans un service geronto je prefere ne pas l’écouter parfois).
Donc Merci a vous le personnel , de soigner ces gens avec intérêt..car quoi qu il en soit , c’est ce qui les (nous) intéressent.
Cyril